La notion juridique de l’adultère et ses sanctions évoluent selon les mœurs et les époques.
La définition de l’adultère et de ses conséquences dans le cadre d’une procédure de divorce sont largement méconnus. Cet article a donc vocation à préciser ce que juridiquement signifie la notion d’adultère et les effets qui y sont entachés à l’encontre de son auteur ou au profit de l’époux qui en est victime.
Durant des milliers d’années, l’une des premières législations de l’histoire, celle de l’une des douze tribus d’Israël : la tribu des Lévi, puis celles de nos sociétés occidentales qui s’en sont inspirées, ont considéré juridiquement l’adultère comme un crime :
« L’Éternel parla à Moïse, et dit :
Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s’il commet un adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort. » (Lévitique 20:10)
En France, avant la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 :
– la femme se rendant coupable du « crime » d’adultère était punie d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 2 ans, son mari n’encourait pour cette faute qu’une peine d’amende de 360 à 7.200 francs, mais seulement si son adultère avait été commis au domicile conjugal ;
– « Deux êtres, de sexe différent, enfermés dans une chambre à un seul lit suffisait pour constituer le délit d’adultère », rappelle La Gazette des tribunaux, dans sa « chronique » du 3 septembre 1890 (Martin-Fugier, 1983)
– à la différence des excès, sévices et injures qui étaient des causes facultatives de divorce, l’adultère de la femme, comme celui du mari, étaient considérés comme une cause péremptoire. C’est à dire que l’adultère entraînait automatiquement le divorce aux torts exclusifs de son auteur.
Il a donc fallu attendre 1975 pour qu’en France l’adultère ne soit plus puni pénalement mais plus que civilement.
Aujourd’hui, l’article 212 du Code civil rappelé par l’officier d’état civil lors de la célébration de chaque cérémonie de mariage prévoit expressément que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ».
Or, la définition de ces devoirs est assez large pour permettre aux tribunaux de sanctionner ainsi une grande diversité de comportements fautifs. Mais il est nécessaire de rappeler que ces manquements ne peuvent justifier le divorce que s’ils ont, compte tenu des circonstances, un caractère outrageant, que s’ils sont graves ou répétés et que s’ils rendent le maintien du lien conjugal intolérable.
En effet, l’article 242 du Code civil dispose que :
« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
I – Définition juridique de l’adultère
Afin de définir la notion d’adultère, nous envisagerons ci-après :
– la distinction entre l’adultère et l’infidélité (1.1) ;
– l’adultère comme une faute justifiant le divorce aux torts exclusifs de son auteur (1.2) ;
– l’adultère comme une faute laissée à l’appréciation souveraine du juge (1.3).
1.1 – Distinction avec l’infidélité
A titre liminaire, il convient de préciser un point très rarement abordé : la différence entre l’infidélité et l’adultère.
Les tribunaux font une distinction entre ceux notions voisines.
L’infidélité s’apparentant plus à une injure pour l’autre époux constitue un manquement à la foi et à la dignité du mariage, même en l’absence d’adultère, il en résulte qu’un conjoint qui ne pourrait établir l’adultère de l’autre époux peut se contenter d’invoquer les relations outrageantes de cet époux avec des tiers.
Le doyen Carbonnier qualifie la conduite injurieuse d’un époux qui n’a pas été jusqu’à la réalisation de relations sexuelles avec un tiers de « petit adultère ».
On pourrait aussi parler d' »adultère virtuel » dans une espèce où l’un des époux « trompait » l’autre assidûment sur l’Internet.
Ainsi, a-t-il été jugé que, s’il ne s’agit pas au sens propre d’un adultère, les relations suivies de la femme avec un tiers ont un caractère injurieux pour le mari et violent le devoir de fidélité qui subsiste jusqu’à la dissolution du mariage (CA Lyon, 12 déc. 2000).
L’adultère ne constituant plus une cause distincte et péremptoire du divorce, il faut que le tribunal trouve suffisante la preuve des faits graves et renouvelés rendant le maintien de la vie commune intolérable, ainsi nous envisagerons dans un premier temps l’adultère comme faute justifiant le divorce aux torts exclusifs de son auteur, dans un second temps l’adultère : une faute laissée à l’appréciation souveraine du juge et enfin
Enfin, selon les situations, l’adultère est appréhendé distinctement par les tribunaux selon les situations.
Ainsi, vous envisagerons dans un premier temps : l’adultère comme une faute justifiant le divorce aux torts exclusifs de son auteur (1.2) et, dans un second temps l’adultère comme une faute laissée à l’appréciation souveraine du juge (1.3)
1.2 – L’adultère : une faute justifiant le divorce aux torts exclusifs de son auteur
Sur le fondement de la violation du devoir de fidélité, un époux peut donc solliciter, d’une part des dommages et intérêts dont le montant dépend de l’importance de son préjudice moral et, d’autre part, demander au juge de prononcer le divorce aux torts exclusifs de son conjoint.
Il lui incombera alors de prouver l’adultère par le biais de procès-verbal du constat dressé par un huissier, rapport d’un détective privé, tout document écrit, aveux, témoignages et, depuis peu, des SMS ou e-mails.
Cependant, la jurisprudence rappelle que pour que les SMS et les e-mails soient judiciairement recevables, ils ne doivent pas avoir été obtenus par violence ou par fraude tel que la violation du code d’accès à la « boite mails », comme cela arrive fréquemment dans ce type de situation.
En tout état de cause, les relations d’un conjoint avec des tiers ne sauraient entraîner le divorce que si elles sont assez graves pour rendre intolérable le maintien du lien conjugal, les deux conditions exigées par l’article 242 du Code civil devant être constatées par les juges.
1.3 – L’adultère : une faute laissée à l’appréciation souveraine du juge
Le juge a un large pouvoir d’appréciation de la faute et tient compte de la part de responsabilité de l’autre conjoint dans la commission de la faute.
Ainsi, le juge peut écarter l’adultère lorsqu’il est réciproque ou lui trouver des « circonstances excusantes ».
En effet, les tribunaux considèrent que l’époux ayant été trouvé un réconfort affectif pour pallier les carences de son conjoint n’est pas complètement fautif.
Cependant, la méconnaissance des obligations énoncées à l’article 212 du code civil constitue une faute qui peut être sanctionnée dans le cadre d’une procédure de divorce pour faute.
II – Les sanctions de l’adultère : le prononcé du divorce pour faute accompagné de dommages et intérêts et le risque de perdre le bénéfice de la prestation compensatoire
Les sanctions de l’adultère sont, d’une part, le prononcé du divorce pour faute à l’encontre de son auteur (2.1) et, d’autre part, la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de « la victime » (2.2).
2.1 – Le prononcé du divorce pour faute et la perte de la prestation compensatoire
L’article 229 du code civil dispose que :
« Le divorce peut être prononcé en cas :
Soit de consentement mutuel ;
Soit d’acceptation du principe de la rupture du mariage ;
Soit d’altération définitive du lien conjugal ;
Soit de faute. »
A la différence des autres cas de divorce, le divorce pour faute emporte des conséquences lourdes sur le plan juridique et financier pour l’époux fautif.
En effet, selon l’article 270 du code civil :
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
Ainsi, devant un juge, celui des époux à l’encontre duquel le divorce pour faute est prononcé pourrait ne pas pouvoir prétendre au bénéfice de la prestation compensatoire (voir mon article rédigé sur ce blog concernant la prestation compensatoire).
Cependant, il convient de souligner que la faculté laissée au juge par le législateur est souvent strictement par les magistrats en défaveur de l’époux fautif de sorte que bien qu’il en aurait le principe de le droit, il se voit refuser le versement d’une prestation compensatoire.
Ce refus d’octroi de la prestation compensatoire peut donc être douloureux sur le plan financier pour l’époux fautif.
L’expérience et le savoir faire de l’avocat permettent toutefois dans certains cas à l’époux fautif de pouvoir prétendre au bénéfice de la prestation compensatoire.
2.2 – La condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de « la victime«
Au regard du comportement du conjoint s’étant vu attribuer les torts exclusifs dans le cadre du divorce, les juges pourront accorder à l’époux (se) bafoué(e) des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil en réparation du préjudice moral lié aux conséquences d’une particulière gravité subit du fait de la dissolution du mariage.
L’article 266 du Code civil permet de réparer les conséquences liées à la dissolution du mariage – et ce indépendamment de la disparité des conditions de vie des époux, puisque celle-ci est prise en compte au titre de la prestation compensatoire – alors que l’article 1382 du Code civil répare le préjudice résultant de toute autre circonstance que la dissolution du mariage mais causé par le comportement du conjoint.
Les conditions sont celles d’une action en responsabilité de droit commun (qui exige la réunion des trois conditions : faute – préjudice – lien de causalité entre la faute et le préjudice).
Exemples de faute tirés de la jurisprudence :
– une femme est délaissée au profit d’une maîtresse après une longue vie commune et ayant du subir l’indécision de son mari (CA Lyon, 13 nov. 2001) ;
– une épouse abandonnée par son mari qui est allé vivre, à proximité, avec sa belle-sœur (CA Besançon, 7 sept. 1999) ;
– une épouse abandonnée après 40 ans de vie commune et des humiliations de son mari (CA Paris, 30 avr. 2003) ;
– une épouse abandonnée en lui laissant la charge de l’enfant, jeune adulte handicapée (Cass. 1re civ., 1er févr. 2004) ;
Ainsi, le préjudice distinct invoqué doit résider dans les circonstances ayant conduit à la rupture du lien conjugal.
Il ressort de ce qui précéde que l’adultère peut s’avérer lourd de conséquences sur le plan financier. Or, les procédures de divorce, outre la question de la garde du/des enfant(s), ne se justifient que par des prétentions financières antagonistes.
La preuve de l’adultère comme de ses « circonstances atténuantes » seront décisives pour chacun des époux afin de leur permettre d’obtenir gain de cause sur le plan financier.