Droit des fabricants de produits d’augmenter leurs prix suite à l’augmentation de celui des matières premières

Les fabricants de produits ont-ils le droit d’augmenter unilatéralement leurs prix suite à celui des matières premières ?

Le prix des matières premières agricoles et industrielles ont augmenté à cause notamment de l’augmentation du prix de l’énergie et du coût du transport.

Ainsi, de nombreux fabricants et fournisseurs utilisent le contexte macro-économique pour augmenter le prix de vente de leurs produits. 

Concrètement, les fabricants et fournisseurs se croient en mesure de pouvoir unilatéralement répercuter ces hausses de prix auprès de leurs clients, locataires gérants ou filiales de distribution. 

Ces augmentations peuvent créer un véritable déséquilibre dans la relation contractuelle.

Ainsi, en 2022 puis en 2023, les marges des entreprises dans l’industrie, le bâtiment et l’agroalimentaire ont commencé à sensiblement baisser. 

Or, les produits alimentaires et ceux destinés à l’alimentation des animaux bénéficient d’une réglementation spéciale depuis la loi dite Egalim 2 du 18 octobre 2021, afin de protéger la rémunération des agriculteurs. 

Tous les autres produits n’entrent pas dans le champ d’application de cette loi et sont donc soumis au respect des règles du droit commercial sur ce sujet. 

En effet, en principe, les contrats peuvent comprendre des clauses aux termes desquelles il est prévu la prise en compte d’un indicateur lié aux coûts de production pour déterminer les prix du fournisseur, de manière objective. 

Ces clauses sont appelées clauses de révision de prix, d’indexation ou d’imprévision.

Pour s’appliquer, elles nécessitent d’être rédigées de manière claire. 

De même, l’indice de référence doit être en relation directe avec l’objet du contrat ou avec l’activité de l’une des parties. 

Toute indexation fondée sur le niveau général des prix ou des salaires, ou sur le prix des biens, produits ou services n’ayant pas de relation directe avec l’objet du contrat ou avec l’activité de l’une des parties est interdite. (CMF art. L.112-1).

De plus, la rédaction de la clause doit intégrer la limite posée par l’article L. 442-1, I, 2 du code de commerce qui sanctionne le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». 

Les clauses de révision de prix doivent être réciproques, à la hausse et à la baisse notamment. Néanmoins, même en présence de ce type de clauses, il convient toujours de vérifier le bon respect des conditions de mise en jeu par le fabricant. 

À défaut, toute augmentation tarifaire imposée unilatéralement et sans préavis ou sans préavis suffisant peut être qualifiée juridiquement comme une « rupture brutale des relations commerciales établies » et entraîner la mise en jeu de la responsabilité du professionnel et sa condamnation au paiement de dommages en vertu de l’article L.442-1, II du code de commerce. 

Pour mémoire, l’article L.442-1 du code de commerce dispose que : 

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;

2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. 

II. Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ». 

Sur ce fondement, la cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que l’augmentation unilatérale non négociable, sans préavis et disproportionnée, des tarifs jusqu’alors consentis à un partenaire commercial constitue une rupture brutale de la relation commerciale établie (Cass. com., 6 nov. 2012, n° 11-26.554 ; CA Paris, pôle 5, ch. 5, 17 janv. 2019, n° 16/23339).

Par conséquent, les fabricants et fournisseurs de produits n’ont pas le droit d’augmenter leurs prix de vente de manière potestative, inopinée et importante. 

Le cas échéant, ils peuvent être condamnés à réparer les préjudices financiers subis par la partie lésée, outre le paiement d’une amende civile, dans la limite du triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus, ou de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Enfin, indépendamment des clauses d’indexation de prix, certains fabricants ou fournisseurs pourront être tentés d’invoquer l’imprévision pour renégocier les conditions tarifaires des produits. 

En effet, selon l’article 1195 du code civil, « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».

En cas d’échec de la tentative de renégociation, les parties peuvent convenir de la résiliation du contrat aux conditions qu’elles déterminent, ou bien solliciter l’adaptation du contrat par un juge.

L’insertion au contrat d’une clause dite de hardship sera vivement recommandée. 

Cette clause devra ainsi préciser la notion « d’exécution excessivement onéreuse » et les risques acceptés par les parties au moment de la conclusion du contrat, afin d’éviter toute discussion contentieuse quant à la qualification de l’imprévision, ou préciser les modalités de sortie du contrat. Néanmoins, les parties devront réfléchir quant à l’opportunité ou non d’insérer une telle clause, qui devra être adaptée à l’activité du vendeur.

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