Condamnation de l’auteur de faux avis sur Google pour actes de dénigrement et à indemniser la victime des préjudices subis

Comment les entreprises et professionnels victimes de faux avis sur Google peuvent-ils en obtenir la suppression et la condamnation de l’auteur pour actes de dénigrement à les indemniser de leurs préjudices subis ?

Toutes les entreprises et les professionnels disposent aujourd’hui de pages ou fiches Google my business les concernant. 

Ces pages Google my business permettent de référencer en première page des résultats du moteur de recherche Google les informations des entreprises et professionnels telles que les coordonnées, le plan, les horaires, l’itinéraire, mais aussi les notes et avis laissés par des clients sur leurs produits ou services. 

L’encart Google my business apparait en haut ou dans la marge de droite de la page obtenue à partir d’une recherche effectuée sur Google avec le nom des entreprises et professionnels concernés. 

Ainsi, la note et les avis mis en ligne par les internautes apparaissent systématiquement au premier coup d’œil et de manière très visible de sorte qu’ils constituent des informations déterminantes pour la notoriété, la réputation et l’activité économique des entreprises et des professionnels visés. 

Or, le 22 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a jugé que les avis Google qui mettent en cause la qualité des services offerts, par une société ou un professionnel, en vue d’inciter de potentiels clients de s’en détourner constituent des actes de dénigrement donnant lieu à la condamnation de leur auteur à indemniser la victime des préjudices subis (Tribunal judiciaire de Paris, 17e ch. Presse-civile, jugement du 22 juin 2022, Raimondi Immobilier / Mme X). 

En l’espèce, une société d’architecture d’intérieur disposait d’une page professionnelle publique Google my business permettant notamment aux internautes de publier des avis sur Google.  

Cette société a découvert que six avis négatifs ont été mis en ligne sur cette page :

– par « E. F. » : «Entreprise sérieuse?? Quelle blague de mauvais goût nous avons été plus que déçu, pleins de defauts, travail pas finis, qualité du materiel posé bien plus que médiocre la peinture ne tient meme pas, les lampes mal accroché sont tombé en plein service, poignée de porte inexistante, nous avons bricolé des poignées en plastique pour tirer les placards. Notre appartement était mieux avant que après. Arnaque totale à éviter absolument.»,

– par « P. G. » : « Très déçu. Qualité du travail indigne du prix demandé. »,


– par « L. M. » : « Pas sérieux. S’abstenir ! »,

– par « C. G. » : « M. Y. manque malheureusement sincèrement de sérieux et professionnalisme. Déçu de leur façon de traiter les clients. »,


– par « V. D. » : « Une expérience client plus que moyenne »,


– par « A. A. » : « Entrepreneur pas arrangeant. »

En cas de publication de faux avis ou d’avis diffamatoires ou dénigrants, la victime peut obtenir en urgence auprès du juge l’autorisation de se faire communiquer par Google l’adresse IP ayant servi de connexion pour la publication des avis litigieux. 

Une fois que Google a communiqué l’IP à la victime, le juge pourra à nouveau autoriser celle-ci à se faire communiquer le nom et l’adresse du titulaire de la connexion internet. 

Dans ce contexte, elle a obtenu du fournisseur d’accès à internet, les informations sur l’identité réelle de l’auteur de ces six avis négatifs et l’a assigné pour dénigrement en réparation de ses préjudices subis. 

En effet, l’article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Sur ce fondement, la jurisprudence sanctionne les actes de dénigrement dont le tribunal a rappelé le principe selon lequel :

« Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ». 

Il appartient ainsi à la victime de dénigrement de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice. 

Néanmoins le tribunal a souligné que : 

« S’agissant d’une restriction au principe fondamental de la liberté d’expression, la responsabilité civile de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement.

Ainsi, lorsque l’information se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait être regardée comme fautive, sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression ».

Pour le tribunal, les commentaires dénoncés « expriment une critique sévère et sans nuance de la qualité des services et prestations fournis par la société demanderesse sous l’enseigne qu’elle exploite, en remettant en cause le résultat et les conditions de réalisation de travaux de rénovation supposés, tant au travers des termes employés (“pleins de defauts, travail pas finis, qualité du materiel posé bien plus que médiocre la peinture ne tient meme pas, les lampes mal accroché sont tombé en plein service, poignée de porte inexistante”, “qualité du travail indigne”, “expérience client plus que moyenne”) que de la note attribuée à la société selon le barème propre aux avis Google my business, qui est ici, à chaque fois, de une étoile sur cinq ». 

L’analyse exégétique par les juges des termes de chacun des avis publiés les a conduits à considérer que le sens des messages stigmatisait le comportement professionnel du président de la société par la mise en exergue de son manque de « sérieux » et de « professionnalisme » et l’expression d’une déception quant à la manière dont il traite ses clients.

De plus, ces avis négatifs revêtaient un caractère mensonger, leur auteur ayant admis ne jamais avoir eu recours aux services de la société et les ayant justifiés par le conflit personnel qui l’oppose à son président.

Par conséquent, le tribunal a jugé que :

« Loin de relever du droit à la libre critique de produits ou prestations de services, ces messages frauduleux, qui ne reposent sur aucune base factuelle, procèdent d’une intention de nuire de la demanderesse et caractérisent un dénigrement fautif ». 

Or, tout acte de dénigrement fautif occasionne à celui qui en est l’objet un préjudice moral ouvrant droit à réparation. 

Le préjudice de la victime de faux avis est inhérent à l’atteinte à sa notoriété, à sa réputation et à son image.

Il appartient toutefois à la victime de justifier de l’étendue du dommage allégué. 

Concrètement, l’évaluation du préjudice est appréciée au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.

La preuve du préjudice peut procéder de l’affaiblissement de l’activité de la victime sur internet durant le maintien en ligne des avis négatifs publiés et/ou de l’investissement rendu nécessaire afin d’améliorer son image dans les services de Google et dans les services du site “Avis vérifiés”.

Les statistiques de fréquentations d’un site internet ou celles édités par le service Google analytics peuvent être des moyens de preuves pertinents des préjudices subis. 

De la même manière, la baisse du nombre d’utilisateurs et des « demandes de contacts » peuvent servir de preuve des préjudices financiers subis même s’il est impossible de démontrer qu’ils en constituent la justification exclusive

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