Quelles sont les conditions et les sanctions du délit d’abus de confiance selon le code pénal ?
L’abus de confiance suppose un rapport de confiance à l’occasion duquel une chose ou un bien est remis.
Selon la loi, l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
L’article 341-1 du Code pénal qui définit et réprime ce délit pose plusieurs conditions pour que l’infraction puisse être légalement poursuivie et réprimée.
L’infraction d’abus de confiance est constituée par deux conditions cumulatives nécessaires.
Tout d’abord, il suppose un objet de la remise et ensuite une finalité de la remise.
En effet, l’abus de confiance suppose préalablement la remise d’un bien.
La notion de « bien quelconque » du Code pénal concerne tous les biens meubles corporels (marchandises, meubles…) ou incorporels (parts sociales, droits de créance, clientèle, brevets, fonds…) ou toute chose qui a une valeur et qui est susceptible d’appropriation.
Toutefois, même si le texte vise tout « bien quelconque », la jurisprudence considère que les biens immeubles ou les prestations de service ne sont pas visés car elles ne sont pas susceptibles de remises.
Le remettant ne doit pas nécessairement être propriétaire, il suffit qu’il ait détenu les valeurs, les fonds ou le bien.
L’abus de confiance suppose aussi une affectation déterminée de l’objet remis à savoir que la personne à qui la remise est faite est en charge de le rendre, de le représenter ou d’en faire un usage déterminé.
Le bien objet de détournement dans l’abus de confiance doit donc avoir été préalablement remis.
Cette remise doit être volontaire et précaire (à charge pour celui qui reçoit de restituer le bien, de le représenter ou d’en faire un usage déterminé).
L’article 341-1 du Code pénal fait référence au « détournement » du bien remis pour caractériser l’élément matériel de l’abus de confiance.
En pratique, on distingue trois formes de détournement : la dissipation, la rétention et la désaffectation de la chose remise.
La dissipation correspond à la situation dans laquelle la chose ne peut être restituée.
Tel est par exemple le cas de la chose vendue, donnée, détruite ou perdue.
La restitution est alors impossible.
Concernant la rétention du bien confié, elle renvoie à un abus dans le temps, le détenteur conserve la chose et ne la restitue pas à la date convenue.
Toutefois, cet abus se caractérise uniquement lorsqu’on apporte la preuve d’une volonté d’agir au détriment d’autrui en se comportant comme le propriétaire de la chose.
Quant à la désaffectation du bien, il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le détenteur en fait un usage différent de l’usage convenu avec le remettant.
Il suffit en pratique que le propriétaire ne puisse plus exercer ses droits sur la chose pour que l’abus de confiance soit constitué.
La restitution tardive de la chose devient constitutive d’abus de confiance lorsqu’elle est intentionnelle ; c’est-à-dire lorsque le retard traduit la volonté du bénéficiaire de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose.
L’abstention de faire et de restitution de la chose sont aussi constitutives d’un détournement susceptible de caractériser l’abus de confiance selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
En revanche, il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction se soit approprié la chose à titre personnel ou même qu’il en ait tiré un profit quelconque.
Le « préjudice d’autrui » est un élément constitutif du délit d’abus de confiance et s’entend d’un préjudice matériel ou moral.
Le préjudice de l’abus de confiance peut être matériel quand le délit entraine une perte pécuniaire ou une privation du possesseur de son droit sur la chose mais il peut également être moral quand il porte atteinte à la notoriété ou la réputation.
Il peut être subi par le propriétaire ou par tout détenteur ou possesseur du bien détourné.
L’abus peut donc ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des effets ou deniers détournés.
Enfin, le préjudice peut être actuel ou simplement éventuel.
Comme tous les délits pénaux, l’abus de confiance suppose que l’auteur ait connaissance et conscience que son acte est illégal.
On dit qu’il a agi avec une intention frauduleuse ou coupable.
Cette intention se caractérise par la connaissance du caractère précaire de la chose et l’intention de se comporter en véritable propriétaire.
Le ministère public doit apporter la preuve de la mauvaise foi du détenteur.
Cependant, l’élément moral et l’acte de détournement étant extrêmement liés dans l’abus de confiance, les juges déduisent cette mauvaise foi de la simple constatation du détournement.
En pratique, cette intention provient du fait de ne pas respecter volontairement l’affectation convenue de la chose ou du bien.
La peine dépend de la nature de l’abus de confiance qui peut être simple ou aggravé.
La personne physique qui se rend coupable d’un abus de confiance simple est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
La personne morale qui se rend coupable d’un abus de confiance simple s’expose à la peine d’amende prévue pour la personne physique élevée au quintuple soit la somme 1.875.000 euros
Lorsque l’abus est réalisé par une personne faisant appel au public afin d’obtenir la remise de fonds ou de valeurs soit pour son propre compte, soit comme dirigeant ou préposé de droit ou de fait d’une entreprise industrielle ou commerciale, par toute autre personne qui, de manière habituelle, se livre ou prête son concours, même à titre accessoire, à des opérations portant sur les biens des tiers pour le compte desquels elle recouvre des fonds ou des valeurs, la peine est de 7 ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.
Des peines complémentaires existent pour l’abus de confiance commis par les personnes physiques telles l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, ou d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Le juge peut aussi prononcer une interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.
Le code prévoit des peines complémentaires pour l’abus de confiance commis pour les personnes morales dont la fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés.
La dissolution des personnes morales est possible si elle a été créée ou détournée de son objet pour commettre les faits incriminés.
En matière d’abus de confiance, le point de départ de la prescription de l’action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de cette action, dans la limite du délai butoir de douze années révolues pour les délits.